(childhood memories)
Papa est en colère (encore). Tu l'observes faire des allers et retours dans la cuisine. Toi tu manges tes céréales, sagement assit à la table. Tu comprends pas tout du haut de tes huit ans, mais t'es pas non plus stupide. Tu les vois les gens qui viennent, les liasses de billets et les  cartons remplit de poudre blanche. 'C'est pas tes affaires' que ton frère te dis, t'es pas assez grand. alors t'as hâte de grandir, t'as hâte que ça devienne tes affaires. Bientôt tu seras un homme, bientôt tu feras partit du 'truc' toi aussi. à côté de toi ta soeur chouine, comme d'habitude. Aussitôt ton père se radoucit, il prend la gamine dans ses bras tatoués. Ton père faut pas l'embêter, c'est le genre grand, brun avec un teint basané. Quand il s'énerve t'as l'impression que sa voix se transforme en tonnerre. Mais il n'est jamais méchant avec ta petite soeur, même quand elle fait une bêtise. Elle ressemble tellement à ta mère. ta mère qui est partie depuis quelques années. Tu te lèves, pose ton bol dans l'évier. Ton père ébouriffe tes cheveux et glisse ton goûter dans ton sac. Dehors, tu rejoints ton frère qui t'attend pour aller à l'école. Et mentalement, tu comptes les jours jusqu'à tes dix ans, jusqu'à que tu sois assez grand, presque un homme.

(teenage dreams)
Bien stable sur tes jambes, tu fixes la cible à quelques mètres. Tes bras sont tendus et tes doigts accrochés sur la crosse de l'arme. C'est une idée de ton frère, t'apprendre à tirer. Toi t'es content de passer du temps avec lui. Tes mains tremblent légèrement, c'est l'adrénaline, tu l'sens dans ton sang. Ton index glisse sur la gâchette. Tu prends ton temps, tu vises, tu respires et tu tires. Dans ton dos, tu sens le regard orageux de ton frère. T'as raté, encore. T'es nul Tedd, bon à rien, sauf à griffonner tes dessins bizarres. Tu respires encore et encore, jusqu'à que t'oublie ton frangin derrière toi. Tu reprends ta position, et tu tires encore une fois. La canette que tu visais s'écrase sur le sol. Alors tu baisses ton arme et tu souris à ton grand frère. Il ne le montre pas, mais il est content de toi. Bientôt tu seras aussi bon tireur que lui, voir meilleur peut-être. Ton regard se pose sur une voiture qui déboule sans crier gare. Ton frère grimace et s'éloigne. Encore un problème, tu le sais bien. Tu continues à tirer sur les canettes et les bouteilles vides, sans t'arrêter.

(.)
Bouteille de whisky entre les doigts, l'alcool qui coule dans la gorge réchauffe ton estomac vide depuis trop longtemps. Tu marches parmi les tombes, observant les noms. Tu connais de plus ou moins loin tous les gens qui reposent dans le cimetière. Souvent des bikers tombés au 'combat', parfois des innocents ou tout simplement des vieux morts de vieillesses. La tombe que tu cherches c'est celle de ta mère. C'est dur de ne pas avoir connu sa mère. Elle est morte quand t'étais gamin et tu ne te souviens de rien, pas même du son de sa voix ou de son parfum. Heureusement les photos sont là pour te rappeler son visage, pour te rappeler à quel point elle semblait douce et rêveuse. Tu t'assois, ton dos contre la pierre froide. Tu t'allumes un joint et pendant un instant tes yeux se perdent dans les étoiles. T'aime bien venir ici quand t'as besoin de calme, quand t'as besoin d'effacer tout le bordel qui t'entoure. Mais ça ne dur jamais bien longtemps. Ton téléphone vibre, tes amis t'attendent au mucky molly. Tu sors de la poche de ta veste un cygne fait en papier, précieux origami que tu as fais quelques heures avant. Puis tu quittes le cimetière. Joint entre les lèvres, tu montes dans ta voiture et tu fais glisser les pneus de ton bolide sur le bitume. Tu vas boire jusqu'à vomir tes tripes ce soir.