i'm just a kid
elle avait grandit dans le manque. elle s'écorchait au vide sans cesse, inconsciente de son corps dans un esprit embué de larmes. le monde de nahla était un enchaînement de douloureuses pertes et d'insupportables rencontres.
le souffle court, elle avait du mal à respirer, les battements de son coeur s'accéléraient quand son bourreau introduisait ses cuisses ouvertes. l'horreur de la scène contrastait avec le calme apparent. aucune électricité dans l'air. aucun regard. aucune parole. aucun cri. nahla était un masque et elle s'étonnait quand dans le silence, elle pouvait encore entendre son coeur cogner sa poitrine plate. elle avait cru le perdre définitivement à chaque fois qu'il entrait dans sa chambre pour lui enlever son innocence. elle ne croyait pas aux monstres sous son lit, nahla. le cauchemar existait trop dans sa vie pour pouvoir s'en imaginer des pires. il était une bête féroce et nahla était brisée par la douleur. bien sur qu'elle voulait pleurer, elle voulait pleurer pour s'être rendue compte trop tôt qu'il n'existe pas d'êtres magiques. tout est pauvre et vide de sens. à neuf ans, elle avait imploré le ciel de devenir folle pour échapper au gouffre, au néant qui l'engloutissant sans que personne ne s'en rende compte.
nahla avait expérimenté la souffrance pendant des années et au moment de son adolescence, elle ne se sentait plus vivre que par elle. elle ne connaissait rien d'autre : la seule façon de se rappeler l'existence de ses membres et de son corps profane consistait à passer une lame dessus. les cicatrices sur ses hanches la rendaient vivantes. celle dans le creux de ses reins aussi. lorsqu'elle songeait à son corps, elle ne songeait qu'à cet assemblage de chaire et de matière qui lui appartenait et qu'elle était libre de détruire si cela lui chantait, de dévaster au moyen de signes indélébiles.

you mean the world to me
la tête qui tourne, c'est pas ce que nahla préfère dans les soirées alcoolisées. bizarrement, elle se répéte toujours que ce soir, elle fera plus attention. ce soir, ça ira, elle ne rentrera pas en boitant et elle rentrera seule. elle se dit que pour une fois, elle ne découvrira pas des bleus sur son corps le lendemain sans comprendre si c'est parce qu'elle s'est pris tous les murs de la ville ou parce que le sexe était un peu trop violent. elle n'enragera pas gage au point de ne plus le voir pendant trois jours ensuite.
gage. sa faiblesse. touchée en plein coeur.
elle refuse l'évidence, pourtant. elle la repousse de toutes ses forces. elle la voile.
pourtant, l'électricité est présente. la première fois qu'elle avait posé son regard sur lui, ses yeux s'étaient attardés sur sa silhouette sans qu'elle ne le désire. son palpitant avait redoublé d'efforts comme si elle avait été prise à la gorge par une main assez grosse pour l'écraser. gage était un homme grand, d'une carrure imposante, qui dégageait une impression de puissance presque animale. il l'avait examinée d'un long regard perçant qui lui avait donné la chair de poule.
nahla n'a jamais la chair de poule.
elle s'était soudainement sentie attaquée. il lui faisait violence rien qu'avec l’écho de son corps. dire qu'il était beau serait inexact. il rayonnait d'une virilité hors du commun. il était brut, comme taillé dans la pierre, le visage impassible et le corps vibrant de sensualité : ses yeux où brillaient la promesse d'étreintes audacieuse, sa bouche faite pour les baisers les plus brûlants, son attitude fière et provocante.
nahla avait eu l'impression d'être scrutée jusqu'à l'âme. il était entré en elle par effraction, depuis, il n'en était plus sorti.
une routine s'était installée. les shots s'étaient enchaînés. un an et demi après leur rencontre, elle disparaissait toujours le samedi soir sans que ça ait l'air de le déranger pour le moins du monde. elle avait envie de l'étrangler. sa tête tournait à nouveau. ce soir, elle avait pourtant réussi à rentrer seule, en bus puis à pied dans les petites rues de la ville. elle s'était écrasée contre la porte d'entrée pour la pousser et signaler au seul habitant des lieux qu'elle était rentrée. elle l'avait trouvée debout dans l'ombre du salon, le dos tourné. elle avait glissé vers lui. ils étaient resté silencieux, comme souvent. il l'avait scruté comme pour évaluer ses capacités intellectuelles. si elle en avait cru alors son expression dubitative, l'examen ne fut guère concluant.
elle planta un baiser sur ses lèvres. son corps brûlait de désir. elle n'avait jamais ressenti une chose pareille. il lui était presque difficile de supporter la proximité physique de cet homme. il était comme un champ magnétique de haute intensité. elle s'écarta, ce qui parut l'amuser, et se dirigeait vers sa chambre.
le lendemain, elle fit comme si elle ne se souvenait plus d'une seule chose qui s'était passée. par fierté.
mais comment oublier?

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